Crash d'EgyptAir : des experts se penchent sur des iPhone et des iPad

Les juges d'instruction français veulent savoir si la présence de ces appareils dans le cockpit peut être à l'origine de l'incendie.

Les premiers débris du vol MS 804 d’EgyptAir, qui s’était abîmé en mer le 19 mai 2016, avaient été retrouvés quelques jours après et les boîtes noires avaient accrédité la thèse d’un accident.
Les premiers débris du vol MS 804 d’EgyptAir, qui s’était abîmé en mer le 19 mai 2016, avaient été retrouvés quelques jours après et les boîtes noires avaient accrédité la thèse d’un accident. AP/EGYPTIAN ARMED FORCES

    La justice française va-t-elle faire trembler le géant américain Apple? Selon nos informations, les trois juges d'instruction en charge de l'enquête sur le crash du vol MS 804 d'EgyptAir entre Paris et Le Caire, dans la Méditerranée, le 19 mai 2016 (66 morts dont 15 Français), s'intéressent à la piste d'un incendie dans le cockpit provoqué par du matériel Apple, comme nous l'avions révélé en janvier : un iPhone 6S et une tablette iPad mini 4 appartenant au copilote. La semaine dernière, une expertise de ces appareils a été ordonnée et trois experts judiciaires ont été nommés.

    Compte tenu du «caractère exceptionnel» de cette expertise, écrivent les magistrats dans un document daté du 17 mai que nous avons pu consulter, mais aussi de la «complexité et de la technicité de la mission», les juges ont choisi des spécialistes qui ne figurent pas sur la liste habituelle des experts du ministère de la Justice. Ils ont retenu un ingénieur chercheur au CNRS, un docteur en physique des solides du ministère des Armées et une ingénieur spécialiste des piles et des batteries, qui dépend aussi du ministère des Armées. Leur mission ? Déterminer avec précision si ces appareils, et notamment leurs batteries, ont pu déclencher le sinistre. Il est demandé aux experts d'acquérir «trois iPad Mini wi-fi 3G de modèle A 1455» et «trois iPhone 6S, à la fois neufs et d'occasion». Les smartphones et les tablettes vont être mis à rude épreuve.

    Provoquer un incendie et analyser les fumées

    Mais surtout, les experts devront «provoquer un emballement thermique», écrivent les juges dans leur lettre de mission. Après avoir déterminé si les appareils peuvent prendre feu, les experts devront provoquer cet incendie, afin de calculer notamment le rayonnement de chaleur produit et d'analyser les suies et les fumées qui se dégagent. Par cette expertise, filmée et enregistrée, les enquêteurs cherchent à savoir si la tablette et le smartphone peuvent prendre feu spontanément et, si oui, dans quelles conditions et à quelle vitesse; et, finalement, à déterminer si la combustion des appareils a pu rendre l'avion incontrôlable et/ou asphyxier les pilotes.

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    Leur rapport doit être remis au juge avant le 30 septembre. Cette orientation de l'enquête intervient après un travail minutieux de la section de recherche de la gendarmerie des transports aériens (GTA). Ils avaient identifié la présence des produits Apple grâce à des caméras qui scrutaient le cockpit de l'appareil garé à son poste de départ à l'aéroport de Roissy. Mais aussi lors du passage au contrôle de sécurité des équipages, qui a scanné leurs affaires personnelles. «L'équation de cette tragédie est peut-être à trouver dans le branchement de ces appareils entre le courant délivré par les prises situées derrière le copilote et la réception de ce courant par des appareils à batterie au lithium», indique une source proche du dossier.

    Sollicitée par nos soins jeudi sur cette demande d'expertise, la société Apple a formulé cette réponse : «Nous n'avons pas été contactés par la GTA ou toute autre autorité enquêtant sur ce tragique événement. Nous n'avons eu accès à aucun rapport mais la compréhension que nous en avons est qu'il n'y a pas de preuve qui lie cet événement aux produits Apple. Nous sommes entièrement à la disposition des enquêteurs pour répondre à toute question. Nous testons rigoureusement nos produits afin de nous assurer qu'ils sont conformes aux standards internationaux de sécurité voire qu'ils les dépassent.»